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L'Express du 26/04/2004 
Mourir pour une image 
par Joseph Maggiori
 
 
 
Mickaël, 19 ans, est mort noyé dans la Marne, où il avait sauté pour échapper à la police. Il voulait faire un graff sur le bord de d'A4. 
Le graff, vous savez, cette forme de création typographique très contemporaine, très colorée... Mais si : on le voit reproduit sur les tee-shirts Agnès b, dans les gazettes branchées, même sur les boîtes d'allumettes, pour ! On le voit dans la galerie d'art, des revues entières lui sont consacrés, des boutiques spécialisées vendent le matériel pour en réaliser... A-t-on jamais autant fait la promotion d'un délit? 
Ernest Pignon-Ernest, c'est de l'art. Basquiat, c'est de l'art. La mosaïque merdique sur le mur du collège, c'est de l'art? Les trois bouts de ferraille torsadés au milieu du rond-point, c'est de l'art (subventionné par l'argent de la décentralisation). Le graff, c'est un délit. Un délit puni d'une amend pouvant atteindre 75 000 euros et de cinq ans de prison. De quoi foutre à la baille... 
Depuis quelques mois, la répression s'intensifie. C'est que cette délinquance est visible, elle est même faite pour être vue, c'est dans sa nature. Pas de chance. De plus, ses auteurs sont non violents, faciles à attraper. Un tagueur, ça court moins vite qu'un dealer, ça ne frappe pas comme un braqueur. Ce n'est plus de la chasse aux délinquants, c'est du braconnage. Un vrai rêve de flic. Pourtant, peindre certains murs, ce n'est pas le dégrader, mais plutôt les faire monter en grade... 
A Rome, sur une des lignes de métro, circulent des trains entièrement graffés, en couleur. Il faut dire que dans ce coin-là, on n'a jamais eu peur de la peinture... Ici le graffiti est vécu comme un symbole d'insécurité. Le signe tangible du passage d'un sur notre territoire. (C'est le cas des tags, signatures vite posées, sans couleurs, faites plus pour que pour embellir). Ne pourrait-on pas voir dans le graff - création élaborée, avec ses techniques et ses styles, une tentative positive d'appropriation de l'espace urbain. 
Qui faut-il poursuivre et regarder se noyer dans la Marne ? Ceux-qui, maladroitement, illégalement c'est vrai, veulent poser de la couleur sur les murs, ou les urbanistes, promoteurs et architectes qui nous ont pondu des barres de 4 000 logements en rase campagne, des entrées de ville qui font mal aux yeux de laideur? 
Que salit-on en peignant un mur antibruit au bord de l'autoroute? Faut-il que la peur sociale soit installée pour que l'on voie dans un signe en couleurs un danger! Effacez les graffs, dessous vous ne trouverez que le béton crasseux, des intertices urbains pisseux. Pour les banlieues, vous rêviez d'un plan Marshall; pour l'instant, contentez-vous d'un plan Kärcher.
(c) NIMIGRAFF - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 27.06.2005
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